Focus sur les sûretés à l’heure des énergies renouvelables

Garantie financière pour l'installation de panneaux photovoltaïques en France.

« Multiplier par 10, la puissance photovoltaïque d’ici 2050[1] » : tel est l’objectif du gouvernement pour favoriser le développement des énergies renouvelables conformément aux prescriptions européennes.

La loi du 10 mars 2023, dite Loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, vise à simplifier les procédures administratives et contentieuses pour favoriser l’implantation de nouveaux projets énergétiques.

Chacun est appelé à participer à ce projet d’envergure : producteurs d’énergie, collectivités, citoyens, entreprises, investisseurs etc…

Ainsi, de nombreux parcs solaires émergent et insufflent un mouvement de transition énergétique qui séduit un nombre croissant d’entreprises et de particuliers. Témoignage de cet essor et, inédit en France, la ville de Bordeaux va prochainement installer une ombrière de 1,5 km sur les boulevards bordelais, projet qui, s’il s’étend à l’ensemble de la rocade bordelaise, permettrait d’alimenter 420 000 foyers en électricité[2].

De nombreux établissement bancaires et institutionnels qui se sont engagées dans une démarche éco-responsable, accompagnent ces projets au travers d’investissements à plus ou moins grande échelle.

Aussi, quelles garanties peut-on apporter aux établissements bancaires/institutionnels qui financent l’installation de panneaux photovoltaïques ?

Deux sûretés réelles peuvent garantir le financement d’une installation photovoltaïque : une sûreté réelle immobilière : l’hypothèque ; et une sûreté réelle mobilière : le gage.

S’agissant de l’hypothèque : reine des sûretés pour les établissements bancaires, l’application de cette dernière reste classique dès lors que le développeur d’énergie est également propriétaire du terrain sur lequel il installe des panneaux photovoltaïques ; mais, peut aussi nécessiter la conclusion d’un bail longue durée (bail à construction ou bail emphytéotique) lorsque ce dernier envisage de louer le terrain à un propriétaire pour y installer une centrale solaire par exemple. Depuis l’essor des projets photovoltaïques, le bail emphytéotique a le vent en poupe, davantage que le bail à construction souvent jugé moins souple dans son application. En effet, un bail emphytéotique est fréquemment conclu entre le développeur d’énergie et le propriétaire du terrain pour l’installation de panneaux photovoltaïques. Il s’agit d’un bail immobilier conclu pour une longue durée, entre 18 et 99 ans, entraînant un transfert de droits réels au profit du preneur en contrepartie du paiement d’une redevance, aussi appelé le « canon ». Le bailleur confie son bien au preneur afin que ce dernier puisse installer une centrale solaire et exploiter l’électricité qu’elle produit. Cette centrale solaire peut aussi bien être installée au sol, sur une ombrière ou encore sur la toiture d’un immeuble construit.

Dans le cas où la centrale solaire est installée sur une toiture ou sur une ombrière, la division en volumes souvent privilégiée, et réalisée par un géomètre-expert avant la conclusion du bail, permet notamment de distinguer la partie destinée à l’implantation des panneaux solaires du reste de l’immeuble. Le bail emphytéotique étant alors conclu sur le volume supportant les panneaux photovoltaïques.

Ce bail emphytéotique offre de nombreux avantages aux investisseurs des projets dits « énergies renouvelables ». Conclu par acte notarié, le bail est publié à la conservation des hypothèques et est donc opposable aux tiers. Il confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière[3]. Il s’agit là d’une protection rassurante pour les investisseurs.

De la même façon qu’une hypothèque conventionnelle classique, l’hypothèque consentie sur les droits réels du preneur, le développeur d’énergie, confère au créancier un droit de préférence et un droit de suite sur le bien, c’est-à-dire à la fois le droit de se faire payer en priorité avant d’autres créanciers, et le droit de poursuivre le bien grevé de la sûreté en quelque main qu’il se trouve.

À noter cependant, lorsqu’un bail emphytéotique administratif est conclu avec une collectivité territoriale, en qualité de propriétaire du terrain et bailleur, et si une affectation hypothécaire doit être prise sur les droits réels issus du bail emphytéotique, cette hypothèque doit être approuvée, à peine de nullité, par la collectivité territoriale qui doit, soit intervenir à l’acte de prêt pour consentir à cette inscription, soit y consentir a posteriori dans un nouvel acte notarié[4].

Il est rappelé que l’hypothèque inscrite sur un bail emphytéotique disparaît de plein droit quand ce bail vient à expiration au terme de sa durée contractuelle[5]. Une attention particulière devra être portée sur la durée du prêt qui ne doit pas excéder la durée du bail.  En outre, le renouvellement du bail ne permet pas de maintenir la sûreté laquelle s’éteint et ne peut être reportée sur le nouveau bail régularisé. Le créancier doit alors demander qu’un nouvel acte d’affectation hypothécaire soit conclu à son profit, si des sommes restent à recouvrer au titre de l’emprunt.

Outre, l’hypothèque conventionnelle consentie sur les droits réels du preneur à bail, la réforme du droit des sûretés réalisée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 a étendu le gage, sûreté mobilière, aux meubles immobilisés par destination[6]. Dans cette optique, la réforme visait spécifiquement les installations de panneaux photovoltaïques et éoliens. Il est ainsi permis la constitution d’un gage portant sur un immeuble par destination, biens de valeurs souvent importante et qui ont vocation à être intégrés à des immeubles, reprenant ainsi notre exemple d’une centrale solaire installée sur un terrain appartement à autrui. Dans le cas où un bail de longue durée ne serait pas conclu, que les investisseurs se rassurent : leur financement peut être garanti par ce gage portant sur un immeuble par destination, peu importe que le bien soit immobilisé ab initio ou postérieurement.

La constitution d’une hypothèque s’étendant aux accessoires de cet immeuble (panneaux photovoltaïques), le créancier gagiste pourrait craindre qu’un créancier hypothécaire voit sa sûreté être étendue aux immeubles par destination et donc primer le gage. Ce conflit est réglé par l’article 2334 alinéa 3 du Code civil lequel renvoie à l’article 2419 du même code : « L’ordre de préférence entre les créanciers hypothécaires et les créanciers gagistes, dans la mesure où leur gage porte sur des biens réputés immeubles, est déterminé par les dates auxquelles les titres respectifs ont été publiés, nonobstant le droit de rétention des créanciers gagistes. ». Il conviendra en ce cas, de consulter les publications des sûretés afin de déterminer l’ordre de publication des inscriptions. A ce titre, depuis le 1er janvier 2023 l’inscription de gage sans dépossession est réalisée de manière dématérialisée sur un registre spécial aussi appelé « Registre des sûretés mobilières ». Le conseil d’un notaire sera appréciable notamment pour garantir la validité de l’acte juridique constatant la sûreté, s’assurer que les biens meubles et immeubles sont libres de toute inscription et pour procéder aux formalités postérieures nécessaires à l’opposabilité de cette sûreté.

Ainsi, outre le fait de rassurer les prêteurs en sécurisant leurs crédits, ces deux sûretés, mobilière et immobilière, peuvent constituer un levier pour les développeurs d’énergie, leur permettant d’obtenir les financements nécessaires au développement de projets « Energies Renouvelables », tout en offrant une garantie aux investisseurs.

Sixtine Montané de la Roque

Juriste Financement pour SYAGES NOTAIRES


[1] Site internet du gouvernement.

[2] « Du jamais vu en France : Bordeaux va tester une ombrière de panneaux solaires sur 1,5 km de Boulevard », Journal Le Parisien, 8 février 2024.

[3] Article L. 145-1 du Code rural et de la pêche maritime

[4] Cass., 3e Civ., 24 juin 2021, n°1925.821

[5] Cass., 3e civ., 7 octobre 2009, n°08-14962

[6] Article 2334 du Code civil.

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