Dans un arrêt du 7 septembre 2023, la Cour de cassation adopte une position orthodoxe dans l’interprétation des dispositions de l’article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation, mais qui complexifie la tâche des collectivités dans leur combat contre la prolifération des meublés de tourisme.
Dans le cadre des efforts des collectivités pour réduire l’offre de meublés de tourisme et restaurer l’usage de résidence principale de ces logements, ces dernières disposent notamment d’une arme au travers de l’article L.631-7 du CCH qui dispose en substance : « (…) le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. (…) Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. (…) Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article. Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article. »
La location en meublé de tourisme, mis à disposition par le biais de plateformes type AirBnB, est donc assimilée par la loi à un changement d’usage, lequel est prohibé s’il n’a pas fait l’objet d’une autorisation selon les modalités prévues par la collectivité, à supposer que cette dernière soit éligible et/ou ait mis en place un régime d’autorisation.
C’est sur le fondement de cette réglementation que certaines collectivités, parmi lesquelles la Ville de Paris, ont lancé une offensive d’envergure contre les propriétaires de meublés de tourisme qui n’auraient pas sollicité au préalable l’autorisation de changement d’usage, autorisation dont les conditions sont devenues de plus en plus exigeantes au fil des réformes successives.
Toutefois, cette offensive, pour être couronnée de succès, suppose que la collectivité rapporte la preuve de l’usage d’habitation du local au 1er janvier 1970.
À cet effet, ces dernières ont pris l’habitude de s’appuyer sur les formulaires H2 déposés lors de l’année 1970, dans le cadre de la révision quinquennale des évaluations foncières décidée à l’époque.
En effet, dans le cadre de cette révision, les propriétaires devaient déposer un formulaire précisant notamment la consistance des biens, leur surface et surtout leur situation d’occupation, toutes informations permettant par la suite à l’administration de procéder à une évaluation de la valeur desdits biens afin d’assoir la taxe foncière, car il s’agit d’un document à vocation principalement fiscale.
Le recours à ce formulaire pour établir l’usage des biens au 1er janvier 1970 n’était donc pas dénué de pertinence.
Le décret d’application relatif à cette révision prévoyait un délai pour permettre aux propriétaires de déposer ledit formulaire H2 : au plus tard le 31 mai 1970 pour les villes de moins de 5.000 habitants, et au plus tard le 15 octobre 1970 pour les autres villes.
Au cas d’espèce, la Ville de Paris a produit un formulaire H2 daté du 17 août 1970 établissant une occupation des biens par son propriétaire, donc un usage d’habitation.
Bien que postérieur au 1er janvier 1970, ce formulaire ayant été déposé au titre des obligations déclaratives pour l’année 1970 dans le respect du calendrier prévu par les textes, on pouvait donc assez légitimement penser que les indications y figurant faisaient foi de l’affectation des biens pour toute l’année 1970, donc dès le 1er janvier.
Mais telle n’est pas la conclusion de la Cour de cassation qui retient que : « la seule mention, sur une déclaration remplie postérieurement au 1er janvier 1970, d’une occupation d’un local par son propriétaire, ne permet pas d’en établir l’usage à cette date ni de le faire présumer, en sorte qu’elle est inopérante pour prouver qu’il était affecté, à cette date, à un usage d’habitation, au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation. »
En somme, après l’heure c’est plus l’heure.
Cette décision, bien que compréhensible au plan du droit, affaiblit considérablement la valeur probatoire du formulaire H2 pour établir l’affectation du local au 1er janvier 1970 car, sauf à ce que ce formulaire soit précisément daté du 1er janvier 1970, il ne pourra être présenté aux juges pour établir à lui seul cette affectation.
Elle complexifie donc significativement la tâche des collectivités qui voudront établir l’affectation des biens à un usage d’habitation au 1er janvier 1970, et qui devront se tourner vers d’autres éléments de preuve pour parvenir à ce résultat : titres de propriété, procès-verbaux d’assemblée générale de la copropriété, extrait des bottins téléphoniques de l’époque, baux, etc.
Une tâche ardue pour un résultat incertain…